vendredi 18 août 2017

Sucre noir, Miguel Bonnefoy

La rentrée littéraire a commencé, alors c'est parti, j'ai moi aussi commencé mes lectures ! Et on ouvre le bal avec Miguel Bonnefoy, et son magnifique roman Sucre noir. Je vous ai déjà parlé de cet auteur à plusieurs reprises, notamment pour ses deux précédents ouvrages : Le voyage d'Octavio et Jungle. C'est un auteur que j'aime beaucoup, que j'ai trouvé prometteur dès son premier roman, et dont j'attendais cette dernière parution avec impatience. J'ai donc dévoré Sucre noir sans me poser plus de questions, sans même avoir lu le résumé.


C'est donc avec grand plaisir que j'ai retrouvé la langue si poétique de Miguel Bonnefoy. Ses descriptions sont toujours magnifiques, et on sent à travers son écriture tout l'attachement qu'il a pour la terre, et pour son pays, le Venezuela. On est d'ailleurs parfaitement dans la lignée des auteurs sud-américains, et on retrouve dans les romans de Miguel Bonnefoy le réalisme magique propre à un certain Gabriel Garcia Marquez, pour ne citer que lui. Ainsi, dès le premier chapitre de ce roman surprenant, on trouve un bateau de pirates, échoué au coeur d'une forêt. Cela peut donner lieu à une description si bien maîtrisée qu'elle nous en fait perdre nos sens, confondre la forêt et la mer d'où vient ce bateau. Cet extrait m'a tellement fait vibrer, que je vous le partage, histoire de vous donner encore plus envie !

Au bout d'un mois, le temps changea. Le ciel se couvrit de nuages noirs et la forêt devint houleuse. L'air froid venait du large. La frégate tangua, donna de forts coups de poupe contre le manguier. Au milieu de la nuit, une puissante tempête s'abattit sur le navire. Le vent gonfla les voiles. Des trombes de feuilles tombaient, de grosses branches assommaient les marins, et tous s'agrippaient au parapet, attachés aux cordages qui tiraient à rompre. La frégate remuait en tous sens. Dans les arbres, elle dansait comme un bouchon. Les hommes couraient, rampaient, priaient. Sur le pont mouillé et glissant, ils pouvaient à peine se tenir. Ils luttèrent pendant toute une nuit contre les assauts de l'orage. La quille gémit jusqu'à l'aube et un matelot eut si peur que, le lendemain, avec une superstition patriotique, il fit hisser à la corne le pavillon national. 
Voilà, c'était donc pour cette langue que je trouve si raffinée qu'elle nous fait réellement voyager, avec une poésie tout en douceur. Quant à l'intrigue de ce roman, elle est en fait basée sur la recherche d'un trésor, celui du capitaine Henri Morgan. Plusieurs siècles après la mort du capitaine, un homme, Severo Bracamonte, débarque dans un village proche de la cache présumée du trésor. Sa vie n'est que recherche du trésor, il ne pense qu'à ça, et se fait scientifique et explorateur effréné pour toucher au but. Dans ce village, il croise le destin de Serena, une jeune femme qui ne sait pas réellement ce qu'elle attend de la vie, mais qui en attend certainement quelque chose. Ces deux personnages, qui laissent l'histoire naître tout doucement, tout en délicatesse, sont chacun à leur manière plein d'une fierté qui les rend quasi inaccessibles à ceux qui les entourent. Ce roman fait la peinture de personnages qui se lancent à poursuite de rêves qui semblent inatteignables, mais ils savent se donner les moyens d'y accéder. En revanche, ce qu'ils ne savent visiblement pas faire, c'est se contenter de ce que la vie leur offre. Il semble difficile pour ces personnages dont les destins se croisent d'ouvrir les yeux sur ce qui est juste devant eux. Aujourd'hui même, j'ai lu un entretien de Miguel Bonnefoy dans la revue Page des libraires, où il explique que cela coïncide avec l'histoire récente du pays dont il vient, le Venezuela (où se déroule bien évidemment le roman).

La seule critique qu'on pourrait faire à ce roman, à mes yeux, serait de dire que les rebondissements sont plutôt prévisibles, on les voit arriver un peu à l'avance. Mais finalement, ça ne m'a pas dérangée tant que ça, puisque je ne pense pas que l'intrigue en elle-même soit ce qui importe ici. Le coeur de ce roman, c'est les destins des différents personnages qui se croisent, des parcours de vie accidentés, mais des gens simples qui trouvent toujours un moyen de se relever. Cela pourrait donc faire une belle leçon de vie pour le lecteur ! Et puis en réalité, est-ce que cette intrigue n'est pas tout simplement un prétexte pour faire briller cette belle écriture que j'aime tant ?

Lors de ma lecture du Voyage d'Octavio, premier roman de Miguel Bonnefoy, je lui avais reproché d'aller parfois trop vite, de ne pas assez soigner certains passages. Défaut complètement corrigé ici ! On est dans un roman qui prend le temps de nous faire savourer chaque moment de lecture, et il n'y a plus du tout de goût de pas assez, comme cela pouvait être le cas dans le précédent roman.



Et de un roman lu pour le Challenge 1% Rentrée Littéraire ;)


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