mercredi 6 janvier 2016

Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants... , Mathias Enard

« Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants… ». Le titre, d’office, comporte une certaine poésie. Et de la poésie, ce roman de Mathias Enard (prix Goncourt 2015 pour son dernier roman, Boussole), en contient énormément. Depuis longtemps, je voulais lire ce livre ; et depuis longtemps, je n’avais pas eu une lecture aussi apaisante. Cet apaisement ne provient pas de l’histoire, mais bien de la plume de l’auteur. Les phrases sont simples, mais d’une beauté incomparable. On se laisse entraîner avec délectation au fil de la page. On est bercé par le long cours des phrases, très tranquilles, et à la fois rythmées de façon bien précise. Décidément, on ne peut qu’aimer cette écriture, toute en sensibilité et en efficacité.

Cette écriture, d’ailleurs, s’accorde plutôt bien avec l’intrigue. Il s’agit de l’histoire de Michel-Ange. Ou plutôt, une histoire qui aurait pu arriver à Michel-Ange (on ne trouve pas de trace historique d’un éventuel voyage de Michel-Ange à Constantinople à cette époque). En 1506, le sultan Bajazet rejette le plan de Léonard de Vinci pour un pont entre les deux rives du Bosphore, et fait appel à Michel-Ange. L’artiste, fier de cette préférence à son fameux concurrent, accepte, d’autant que le Pape Jules II lui en fait voir de toutes les couleurs. On embarque donc avec l’artiste florentin, pour commencer un voyage dans la belle et mythique Constantinople.

L’artiste y rencontre un autre artiste, un poète turc, avec qui il va lier une belle amitié. Avec lui, il va découvrir la ville, et s’imprégner de son ambiance, afin de dessiner un pont qui lui corresponde vraiment. Avec lui, il va également découvrir les joies et les délires de l’enivrement, très recherché par son camarade. Avec lui, il va également observer une jeune et merveilleuse danseuse, qui prendra parfois le pas dans la narration. Cela donne des chapitres comme un chant exotique. C’est un pan fictif de la vie de Michel-Ange qui nous est ici dévoilé, mais on a terriblement envie d’y croire.



Ouvrir ce roman, c’est s’échapper du tumulte de la vie quotidienne. C’est se réfugier dans une bulle de calme, de tranquillité. C’est s’offrir une merveilleuse parenthèse poétique. Après l’avoir refermé, on aurait envie de réserver un billet d’avion pour aller visiter Istanbul, même si on sait pertinemment qu’on ne pourra y observer le pont dessiné par le fameux sculpteur.


Après avoir refermé ce roman, on a une terrible envie de se jeter sur le dernier roman du même auteur, Boussole, pour savourer encore un peu cette plume simple, érudite, et enchanteresse.  

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