« Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants… ».
Le titre, d’office, comporte une certaine poésie. Et de la poésie, ce roman de
Mathias Enard (prix Goncourt 2015 pour son dernier roman, Boussole), en contient énormément. Depuis longtemps, je voulais
lire ce livre ; et depuis longtemps, je n’avais pas eu une lecture aussi
apaisante. Cet apaisement ne provient pas de l’histoire, mais bien de la plume
de l’auteur. Les phrases sont simples, mais d’une beauté incomparable. On se laisse
entraîner avec délectation au fil de la page. On est bercé par le long cours
des phrases, très tranquilles, et à la fois rythmées de façon bien précise.
Décidément, on ne peut qu’aimer cette écriture, toute en sensibilité et en efficacité.
Cette écriture, d’ailleurs, s’accorde plutôt bien avec l’intrigue.
Il s’agit de l’histoire de Michel-Ange. Ou plutôt, une histoire qui aurait pu
arriver à Michel-Ange (on ne trouve pas de trace historique d’un éventuel
voyage de Michel-Ange à Constantinople à cette époque). En 1506, le sultan
Bajazet rejette le plan de Léonard de Vinci pour un pont entre les deux rives
du Bosphore, et fait appel à Michel-Ange. L’artiste, fier de cette préférence à
son fameux concurrent, accepte, d’autant que le Pape Jules II lui en fait voir
de toutes les couleurs. On embarque donc avec l’artiste florentin, pour
commencer un voyage dans la belle et mythique Constantinople.
L’artiste y rencontre un autre artiste, un poète turc, avec
qui il va lier une belle amitié. Avec lui, il va découvrir la ville, et s’imprégner
de son ambiance, afin de dessiner un pont qui lui corresponde vraiment. Avec
lui, il va également découvrir les joies et les délires de l’enivrement, très
recherché par son camarade. Avec lui, il va également observer une jeune et
merveilleuse danseuse, qui prendra parfois le pas dans la narration. Cela donne
des chapitres comme un chant exotique. C’est un pan fictif de la vie de
Michel-Ange qui nous est ici dévoilé, mais on a terriblement envie d’y croire.
Ouvrir ce roman, c’est s’échapper du tumulte de la vie quotidienne.
C’est se réfugier dans une bulle de calme, de tranquillité. C’est s’offrir une
merveilleuse parenthèse poétique. Après l’avoir refermé, on aurait envie de
réserver un billet d’avion pour aller visiter Istanbul, même si on sait pertinemment
qu’on ne pourra y observer le pont dessiné par le fameux sculpteur.
Après avoir refermé ce roman, on a une terrible envie de se
jeter sur le dernier roman du même auteur, Boussole,
pour savourer encore un peu cette plume simple, érudite, et enchanteresse.
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